Après une phase de concertation puis de coconstruction, la nouvelle gouvernance du sport devrait être mise en œuvre en ce début d'année 2019, avec notamment la création de l’Agence du Sport. En quoi était-il important pour l’État de faire preuve d'ouverture ?
Le vaste chantier de rénovation du sport français qui est engagé depuis l’an passé et qui débouche aujourd’hui sur cette nouvelle gouvernance partagée ouvre des perspectives pour l’ensemble des acteurs du sport français. On peut même parler d’une vraie révolution, et pas seulement pour l’État. Dans ce contexte, il était important pour le ministère des Sports de faire évoluer son rôle et de renouveler ses modes d’action. Jusqu’à présent, le ministère accompagnait et orientait l’action des fédérations sportives un peu comme un gestionnaire. Mais, sur le terrain, il existait parfois un manque de cohérence entre les politiques menées par ces fédérations et leur application dans les territoires. Autre problème, l’articulation avec les autres financeurs du sport français était loin d’être optimale. Je pense notamment aux collectivités qui, à elles seules, ont un budget total dédié au sport évalué à environ 10 milliards d'euros. Alors que le ministère des Sports investit de son côté un total de 500 millions d'euros ! Vous comprenez bien qu’il était capital de faire preuve d'ouverture, de se mettre autour de la table pour travailler collectivement et mettre en place de nouvelles synergies, notamment sur le financement du sport en France. Reconnaître l'investissement du monde économique fait aussi partie des aspects importants de cette nouvelle gouvernance du sport. Pas seulement en termes de mécénat, mais en regardant aussi ce que les marques et les entreprises proposent comme vrais dispositifs de pratique sportive à destination de leurs salariés et de la population.
« Avec le CNOSF, nous travaillons main dans la main depuis le début »
Cette gouvernance partagée doit-elle pousser les fédérations sportives à devenir plus autonomes ?
C’est effectivement l’un des enjeux voulus par le président de la République de cette nouvelle organisation. Mais, l’objectif n'est pas que les fédérations s'affranchissent de la tutelle de l’État et qu'elles fassent tout toutes seules (sourire). Même si l’État fait preuve d'ouverture, il n’en demeure pas moins le partenaire privilégié du mouvement sportif, et c’est ensemble, dans une véritable dynamique de partenariat, que nous réfléchissons par exemple à l’évolution des statuts des fédérations ou à la possible élection des présidents directement par les clubs. C'est d’ailleurs un mode de fonctionnement qui est déjà en place dans un tiers des fédérations et qui fait ses preuves. Nous voulons tendre vers cette démocratie pour toutes les fédérations à l'horizon 2024.
Qui est le plus légitime pour porter cette rénovation des fédérations ? Le CNOSF ou le ministère des Sports ?
La question ne se pose même pas. Dès le départ, nous avons envisagé ensemble l'orchestration de cette nouvelle gouvernance, et nous avons travaillé main dans la main pour mener à bien la concertation puis la coconstruction. Et nous continuerons à avancer dans le même sens à l’avenir. Je peux même vous dire qu’avec Denis Masseglia, le président du CNOSF, la discussion est quotidienne sur l’ensemble des sujets qui touchent à cette gouvernance partagée. J’ai aussi l’occasion de rencontrer les fédérations afin de leur expliquer et d’échanger avec elles sur ce que nous voulons faire.
« Donner le goût du sport dès le plus jeune âge »
Outre cette nouvelle gouvernance du sport, quels sont vos axes de travail pour cette année ?
Nous sommes engagés dans une vraie démarche interministérielle et partenariale. Avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, nous travaillons ensemble sur la dimension éducative du sport, avec l’objectif partagé de développer la pratique sportive des jeunes sous toutes ses formes. Contribuer à l'évolution de la motricité chez l'enfant est, par exemple, un enjeu important, et je pense qu'il est possible de mettre en place un parcours sportif dès la maternelle. C'est quelque chose sur quoi nous travaillons déjà avec le ministère de l’Éducation nationale. En ce début d'année, nous allons également présenter une nouvelle stratégie nationale « sport santé ». Et j’ai déjà abordé la question de l'emploi dans le milieu sportif avec Muriel Pénicaud, ministre du Travail, afin que le monde du sport soit en mesure de proposer beaucoup plus d'emplois à temps plein et à temps partiel. Nous avons aussi envie d'apporter notre part à la prochaine loi sur la mobilité, afin d'inciter les gens à pratiquer du roller, de la trottinette et d'autres moyens de transport permettant de pratiquer une activité physique. Le sport peut ainsi être compatible avec la protection de l'environnement et c’est le sens de notre collaboration avec le ministère de la Transition écologique et solidaire sur la thématique des transports.
Parmi les objectifs, il y a celui de 3 millions de pratiquants d'ici 2024. Que souhaitez-vous mettre en place pour y parvenir ?
Je pense qu'il est très important en premier lieu de développer l'accès au sport pour les plus petits. Ce n'est qu'en offrant la possibilité de faire du sport dès le plus jeune âge que l'on peut devenir une nation sportive. Sur une discipline comme la natation, par exemple, nous avons l'intention de démocratiser les premiers pas et les premiers apprentissages au sein des familles. En règle générale, ce sont les parents et les grands-parents qui apprennent à leurs enfants à faire du vélo. Il faudrait désormais qu'ils soient aussi en mesure de leur apprendre à nager. Sensibiliser et responsabiliser les familles sur ces thématiques de santé publique et d'éducation à l’activité physique me paraît capital. Donner le goût du sport dès le plus jeune âge doit nous permettre de développer de façon importante le nombre de pratiquants sportifs en France.
« En 2024, les Jeux seront chez nous. Il faut donc oser »
L'objectif de 80 médailles aux Jeux de Paris en 2024, annoncé par Laura Flessel, est-il toujours d'actualité ?
C’est l’ambition de médailles qui est importante pour nous et l’amélioration de nos performances ! Une chose est sûre : nous voulons transformer l'essai ! C’est la raison pour laquelle une cellule de performance sera mise en place afin d'accompagner au mieux les athlètes et les entraîneurs, en leur donnant notamment plus de moyens financiers, pour qu’ils puissent, ensemble, viser la victoire à Paris. Les Français n’ont pas de complexes à faire, ils peuvent décrocher l’or, quelle que soit la discipline. En 2024, les Jeux seront chez nous. Il faut donc oser.
Comme lorsque vous étiez sportive de haut niveau, les JO font-ils aujourd'hui partie de votre quotidien ?
Tout à fait ! Comme lorsque je me préparais pour les Jeux en étant athlète, j'essaye de mettre en place un environnement positif, de créer les outils propices à la réussite. J’ai très vite compris qu’il fallait savoir s’entourer des bonnes personnes pour tendre vers la performance. Et c’est encore le cas aujourd’hui (sourire). En tant que ministre, on doit sans doute affronter et contourner plus d'obstacles que dans la vie d'un sportif, mais ça n'en demeure pas moins un challenge très intéressant à relever.