Comment aborde-t-on une nouvelle saison quand on est devenue championne olympique quelques mois plus tôt ?
Avec beaucoup d’envie ! Une nouvelle grande saison s’annonce avec les Championnats du monde et la Coupe du monde. Je souhaite continuer sur la lancée de la saison dernière. Ce sera dur de faire mieux qu’une médaille olympique, c’est tout de même la compétition la plus grande, mais c’est justement ce qui me motive. J’ai envie de repousser mes limites, de progresser et de renouveler l’exploit dans quatre ans. Il faut donc se préparer et remporter de nouveaux titres. Il me manque un titre aux mondiaux et le gros globe. Les challenges sont hyper excitants. Je vais partir sur de nouveaux sauts, je vais changer mon run, ça va être un vrai challenge. Je repars à zéro, sur quelque chose de nouveau. J’ai trois saisons pour me préparer et être prête aux prochains JO. Il y a beaucoup d’inconnues, il peut se passer plein de choses, des victoires comme des échecs. C’est sacrément excitant !
As-tu pris le temps de décompresser après les JO ?
Toute l’attente qui pesait sur mes épaules depuis les jeux précédents à Sotchi est retombée. L’objectif était atteint, une case était cochée… Cette médaille était la plus belle des récompenses ! J’ai ressenti un grand soulagement les semaines qui ont suivi. Mais, bizarrement, ça n’a pas été trop dur de se remettre au travail. J’étais même plutôt motivée. Il me tardait de reprendre l’entraînement. À présent, je ressens moins de pression, je peux me concentrer de nouveau, avec un travail sur quatre ans et de nouveaux objectifs.
« Notre succès reste discret »
Tu mesures combien ton statut a changé ?
Je le sens, oui, de par les sollicitations dont je peux faire l’objet. Des événements, des sponsors… Remporter un titre olympique, ça amène de la médiatisation. C’est bon pour notre sport. Ce sont des choses qu’il faut accueillir et ne pas fuir. Je le vois aussi dans le regard des gens, qui me voient comme une championne olympique et pas seulement comme la jeune Perrine Laffont. Je sens une petite notoriété autour des gens qui connaissent ce sport. C’est gentil, plutôt marrant et loin d’être ingérable comme ça peut l’être avec d’autres sports. On peut dire qu’avec le ski on est à l’abri de ce genre de folie ! Sportivement, mon statut a évidemment changé ; ça va peut-être me mettre de la pression ? On verra bien. Je ne pourrai plus me cacher derrière les favoris. Malgré tout, j’avais déjà suscité des attentes la saison précédente. Ce sont des éléments que j’ai appris à gérer.
« Les jeux de Sotchi, ça a été une chance pour moi de pouvoir les faire en tant qu’outsider » (© Ria Novosti / Icon Sport)
Quel regard portes-tu sur la différence de notoriété entre un champion du monde de foot et une championne olympique de ski ?
Un footballeur champion du monde n’a pas la même lumière qu’un champion du monde ou un médaillé olympique de ski. Notre succès reste discret, alors on est envieux de l’engouement lié à d’autres sports, on aimerait que le ski suscite autant de passion. Je crois que la médiatisation joue un rôle important dans la popularité des sports et des sportifs. Nos médailles olympiques nous offrent de la lumière. J’espère qu’un jour le ski fera partie de ces grands sports admirés en France.
« Le ski de bosses a été un choix naturel » (© GEPA / Icon Sport)
« Les JO étaient devenus une obsession »
Réalises-tu tout ce qui t’arrive du haut de tes 20 ans ?
Je ne réalise pas encore tout à fait à sa juste valeur tout ce qui m’est arrivé. Tout est allé tellement vite. C’est fou ! J’ai commencé le haut niveau en 2013, j’avais 14 ans. Un an plus tard, je fais mes premiers Jeux olympiques. Par la suite, je me suis préparée pendant quatre ans aux JO qui allaient suivre. Les JO, c’était devenu une obsession. J’avais fait 5e aux qualifications en 2014, et 14e en finale. Pour moi, c’était un échec, je voulais recommencer et prendre ma revanche. Découvrir cette compétition était quelque chose de très fort. J’avais pris date, je voulais absolument gagner l’édition d’après. Ces années-là, je ne les ai pas vues filer !
Penses-tu que ton insouciance t’a aidée à conquérir ces titres ?
Oui, certainement. Je pense aussi que mes résultats sont peut-être dus à ma jeunesse. Quand j’ai commencé, je suis arrivée en Coupe du monde totalement insouciante et libre. J’ai juste fait parler mon ski sans cogiter. J’étais là pour skier et rien d’autre. C’est ce qui a fait que ça a bien marché en 2014. Cette fraîcheur, cette spontanéité, c’est ce qu’il faut essayer de retrouver à chaque compétition : réussir à ne pas trop réfléchir et juste skier comme on sait le faire. Mais, cette insouciance n’explique pas tout non plus : les jeux de Sotchi, ça a été une chance pour moi de pouvoir les faire en tant qu’outsider. Pour découvrir cette compétition, voir comment ça se passait. C’est ce qui m’a permis de me préparer et être prête.
« Nos médailles olympiques nous offrent de la lumière » (© Sputnik / Icon Sport)
« Vivre à fond ma passion »
Le mental est déterminant dans les moments clés. Comment gères-tu tes moments de doute ?
La pression, j’ai appris à la gérer autrement, surtout après ma grande déception de Sotchi où j’étais passée à côté de ma finale. Bien sûr, ça m’arrive encore de gamberger comme tout le monde. Dès que ça commence à trop fumer dans la tête, j’essaie de vite penser à autre chose. La gestion mentale, ça se travaille. Je me suis entourée par exemple d’une préparatrice mentale. Elle est très importante, on travaille ensemble tout au long de l’année. Elle m’aide à appréhender les gros événements, avec la bonne énergie et le plus sereinement possible. C’est un travail quotidien indispensable pour se préparer aux grands événements.
Comment envisage-t-on sa vie quand on a 20 ans et qu’on est sur le toit du monde ?
Pas simple de concilier une carrière de sportive de haut niveau avec une vie « normale ». Au début, je voulais devenir kiné, mais j’ai dû changer mes plans parce que je ne pouvais pas mettre ma carrière de skieuse entre parenthèses pendant les six années d’études. Du coup, j’ai choisi de ne pas trop calculer et de me consacrer à 100 % au ski. Je veux vivre à fond ma passion, je ne voudrais pas avoir de regret plus tard. Pour autant, je sais que ce n’est pas le ski qui me mettra à l’abri. Une carrière de sportif ça passe très vite. C’est pour ça que malgré tout je continue mes études. Je fais quand même un DUT technique de commercialisation à Annecy où je suis en troisième année. Il faut préparer l’après. Je ne pourrai pas vivre du ski de bosses après ma carrière, même si j’ai la chance d’être sollicitée par des sponsors, de rencontrer énormément de personnes. Je me dis que ça me donnera peut-être des idées et des opportunités pour la suite...
La bio express de Perrine Laffont
Comment t’est venue cette spécialité du ski de bosses ?
C’est avant tout une histoire de famille ! Mon père et mon frère faisaient du ski de bosses. Du coup, je les ai suivis depuis toute petite. Ils m’ont montré le chemin. Ça a été un choix naturel. J’ai commencé le ski dès l’âge de deux ans et les bosses à six - sept ans. Les premières compétitions sont venues juste après. Je m’étais essayée aussi au ski alpin vers 11 - 12 ans, mais je suis revenue rapidement aux bosses, un exercice dans lequel je prenais vraiment beaucoup de plaisir. Et le plaisir, dans le sport, c’est la clé pour tout le reste…
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