SPORTMAG - 3 : Reims - Octobre 2017

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Yohann Diniz

Marche sur le toit du monde

Le 13 août dernier, à l'occasion des championnats du monde d'athlétisme à Londres, Yohann Diniz est devenu champion du monde de marche. Retour sur l'incroyable carrière du natif d'Épernay.

Sa vie n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Durant son enfance, Yohann ne s'entend pas avec son père, agent de maîtrise. Après le divorce de ses parents, sa mère, vendeuse dans une grande surface, le met à la porte. Il trouve alors refuge chez ses grands-parents, portugais et communistes. Livré à lui-même alors qu'il vient à peine d'être majeur, il tombe dans la drogue et se retrouve plusieurs fois en garde à vue. Heureusement, le jeune homme se remet assez rapidement dans le droit chemin et décroche un diplôme d’œnologie. Afin d'éviter l'armée, Diniz effectue son service civil au club d’athlétisme de Reims. C'est à ce moment qu'il s'essaie à la marche. Une discipline qu'il avait découverte quelques années plus tôt, en voyant passer les forçats du Paris-Colmar. Bruce Foder, secrétaire technique de l'Entente Family Stade Reims Athlétisme, l'a vu débuter au cours de la deuxième partie des années 90. « Yohann a progressé à une vitesse folle, se souvient-il. On s'est immédiatement rendu compte qu'il allait devenir l'un des meilleurs marcheurs français. Dès le début, il réalisait des chronos exceptionnels ».


Des médailles en pagaille


En 2004, Yohann réalise les minimas pour les Jeux olympiques d’Athènes. Toutefois, il n'est pas retenu par la Fédération française d'athlétisme pour participer à cet événement. L'année suivante, il est disqualifié lors des championnats du monde d'Helsinki, après 20 kilomètres, pour foulée incorrecte. Mais l'année 2005 le voit également être sacré champion de France pour la première fois, sur le 50 km marche. En 2006, il franchit un cap important, en décrochant la médaille d'or, sur la même distance, lors des championnats d'Europe de Göteborg. Un exploit qui lui permet d'obtenir un CDI à la Poste, comme sportif de haut niveau détaché, ainsi que ses premiers sponsors. Sélectionné pour les JO de Pékin, il abandonne, notamment en raison de douleurs au ventre et à la cuisse. L'été suivant, alors que le marcheur part favori des championnats du monde de Berlin, il ne termine qu'en 12è position. Le doute s'installe dans son esprit. Heureusement, ce fan du chanteur Manu Chao se relance dès l'année suivante, en conservant son titre de champion d'Europe à Barcelone. En 2011, alors âgé de 33 ans, le licencié de l'EFSRA s'adjuge le record du monde du 50 km sur sa piste d'entraînement.


La malédiction des JO


Après avoir battu son propre record de France du 20 km en mars 2012, Yohann prend part aux JO de Londres. Déception après l'arrivée, avec une disqualification pour s'être ravitaillé hors zone... Sevré de titres depuis son sacre européen en Catalogne, le résident de Bucy-le-Long enrichit son palmarès lors des championnats d'Europe de Zurich 2014, avec un troisième titre européen consécutif. Cerise sur le gâteau : il s'offre un record du monde en réalisant un temps de 3 h 32 min et 33 sec. Deux ans plus tard, celui qui est facteur dans la vie de tous les jours participe pour la troisième fois aux JO. Malheureusement, l'épreuve phare de son sport ne lui sourit toujours pas. A Rio, alors que Diniz se trouve en tête à la mi-course, avec une minute quarante secondes d’avance sur ses poursuivants, il connaît des problèmes gastriques. Contraint de s'arrêter quelques instants, il reprend la course quelques kilomètres plus loin, mais s'écroule en raison d’un léger malaise. Toutefois, il se relève et poursuit l'épreuve, qu'il terminera à la 8è place.


« J'ai eu l'impression de revoir toute sa carrière défiler »


Cet été, le natif d’Épernay a pris une magnifique revanche. Le 13 août dernier, lors des championnats du monde à Londres, il a remporté, en solitaire, le 50 km marche en 3 h 33 min et 11 secondes. Son premier titre mondial. Le plus beau titre de sa carrière, à 39 ans, sur un somptueux parcours autour de Buckingham Palace. « Je suis tellement heureux ! Il y aurait pu y avoir le record du monde au bout, mais ce n'est pas ce que j'étais venu chercher, a-t-il réagi après son exploit. Ce que je voulais, c'est être champion du monde, c'est montrer une belle image du 50 km, ma discipline. Je me suis servi de Rio pour être plus fort ». Bruce Foder était aux anges : « Quand il a décroché ce titre, j'ai eu l'impression de revoir toute sa carrière défiler ». Quelques jours plus tard, le maire de Reims, Arnaud Robinet, le recevait à la mairie pour le féliciter. Aujourd'hui, même si la carrière de Yohann est garnie de titres et de records (actuel détenteur des records du monde du 50 km marche sur route et sur piste), il lui manque encore le Graal : une médaille d'or aux Jeux olympiques. « C'est vraiment ce qu'il veut aller chercher désormais », assure le secrétaire technique du club d’athlétisme de Reims. Rendez-vous donc probablement à Tokyo, en 2020.

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