Philippe Suchaud, vous tenterez de décrocher un nouveau titre au Trophée des Villes du 23 au 26 novembre prochains à Autun. C’est une compétition que vous appréciez ?
Oui, j’aime beaucoup parce que nous sommes en équipe, en groupe. J’adore cette notion de collectif dans la pétanque. S’il y a une bonne entente, c’est vraiment top. En plus, j’ai déjà remporté cinq fois le Trophée des Villes, je m’y sens toujours très bien.
Comme Philippe Quintais, le collectif semble essentiel à vos yeux…
Exactement. Je ne fais jamais de tête-à-tête, je ne fais que des compétitions en équipe, que ce soit en doublette ou en triplette. C’est tellement plus agréable. On peut discuter entre les mènes, parler entre nous. Moi, quand je joue tout seul, j’ai l’impression de m’ennuyer. Quand on est jeune, on a envie de faire tous les concours, j’adorais le tête-à-tête avant. Mais maintenant, ce n’est plus ce que je recherche. C’est fini depuis bien longtemps pour moi.
Un manque de communication chez les jeunes
La France peut s’appuyer sur une relève très talentueuse, à l’image de Dylan Rocher ou Tyson Molinas. Qu’en pensez-vous ?
Dylan a déjà beaucoup prouvé, et même Tyson. Ce sont des garçons qui gagnent tout chez les jeunes. Comme je dis souvent, on a de très bons jeunes, mais leur problème, c’est qu’ils ne s’entendent pas assez. Il n’y a pas suffisamment de communication. Alors ils jouent ensemble une année, et après ils vont casser l’équipe, parce que ça se passe mal. Ce n’est pas comme nous, qui avons réussi à créer quelque chose de fort. Avec Philippe (Quintais), ou encore entre Fazzino et Voisin, certaines doublettes ont duré pendant vingt ans. Aujourd’hui, je pense que ce sera beaucoup plus difficile à trouver.
C’est aussi à vous, les anciens, de tenter de leur expliquer et de les guider ?
On essaye ! Peut-être qu’ils pensent que les boules, c’est leur vie. Mais ce n’est pas vrai, il faut aussi penser au travail. Moi, j’ai toujours eu la pétanque et le travail. Aujourd’hui, c’est encore trop difficile de vivre de la pétanque. Mais ils ne l’ont pas tous compris. En tout cas, ce n’est pas comme cela que je vois les choses. Dylan est dans nos pas, il a la tête sur les épaules. Après, pour les autres, c’est un peu plus compliqué. On n’est pas dans les mêmes configurations, mais on ne peut pas faire autrement, s’ils ne veulent pas nous comprendre. En tout cas, c’est très clair pour moi, il n’y a pas que les boules dans la vie.
« Partout où l’on va, des gens nous abordent »
Grâce à la retransmission gratuite à la télévision, la pétanque connaît un développement impressionnant ces derniers mois. L’avez-vous ressenti ?
Cette année, par rapport à toutes les précédentes, on a vraiment été gâtés. Les spectateurs venaient prendre des photos, nous parler. On a eu de la notoriété il y a quelques années avec Sport + et Canal +. Mais aujourd’hui, avec la Chaîne l’Équipe, c’est évident qu’il y a eu un gros boost. Ce développement, on le ressent vraiment. Aujourd’hui, partout où l’on va, des gens nous abordent, alors qu’avant ce n’était pas comme cela. Quand je vais à mon marché, il faut que je me dépêche, si je veux faire mes courses tranquille (rires) !
Pour un énorme champion comme vous, cette reconnaissance doit vous faire vraiment plaisir…
Oui, évidemment. J’ai toujours réussi à jongler entre le travail et la pétanque, mais j’aurais vraiment voulu être professionnel dans mon sport, comme dans toutes les disciplines. Quand tu es champion du monde, tu peux l’espérer en tout cas ! Malheureusement, je n’en ai pas eu l’occasion, mais l’évolution que prend la discipline me semble vraiment positive. J’espère qu’avec la possible intégration aux Jeux olympiques, l’évolution va continuer. Que cela puisse changer la vie de tous les jeunes talentueux qui arrivent.
« J’ai suivi mon instinct »
Cette intégration apporterait beaucoup à la discipline ?
Je pense que oui, car les médias et les sponsors s’y intéresseraient beaucoup plus. Aujourd’hui, ce qu'il nous manque, ce sont clairement les sponsors. Mais, si la pétanque devenait olympique, je pense sincèrement que nous pourrions devenir professionnels. Cela apporterait une visibilité énorme, c’est désormais à nous d’y arriver et de faire en sorte que cela se concrétise.
Nous aurons donc la chance de vous voir aux Jeux olympiques !
Pas à mon âge (rires) ! Je serai trop vieux. Mais c’est clair que, pour les jeunes, ce serait formidable. La France est renommée pour sa qualité en pétanque ; je suis sûr que nous pourrions avoir beaucoup de victoires et de médailles.
Votre palmarès est l’un des plus importants de la pétanque mondiale, êtes-vous fier de ce que vous avez réalisé pendant ces dizaines d’années de carrière ?
Oui. C’est moi et moi seul qui ai pris la décision d’arrêter la cuisine il y a trente ans. Quand j’ai arrêté, c’était justement pour jouer aux boules, pour tenter ma chance dans ce monde de la pétanque. J’ai fait ce choix qui m’a porté chance et, si je devais en refaire un aujourd’hui, je referais le même. J’ai suivi mon instinct, et cela a marché. J’ai également rencontré les bonnes personnes aux bons moments, j’en suis très heureux et très fier.