Quelques mois après votre mise à l’écart de l’Équipe de France, quel est votre quotidien ?
Tout le monde sait que je suis accroché avec la Fédération Française de Rugby. Pour l’instant il m’est difficile de m’occuper de plusieurs choses à la fois, alors j’attends la suite. Évidemment, je suis le rugby. Je vais voir des matchs. Je m’occupe également de ma famille.
Au cours de l’intersaison, avez-vous eu des sollicitations pour entraîner ?
Oui, j’ai été sollicité à plusieurs reprises. J’ai refusé toutes ces propositions en question, dont une qui était très importante.
Est-ce le manque d’envie d’entraîner qui vous a fait décliner ces offres ?
Cela n’est pas une question d’envie. À l’heure actuelle, je n’ai pas l’esprit libre pour pouvoir entraîner. Avec ce que j’ai subi dernièrement, qui est quelque chose d’assez violent, je ne peux pas me consacrer à un tel projet. Donc, non, entraîner n’est pas d’actualité.
Nous imaginons que, comme beaucoup de personnes qui le connaissaient, le décès de Pierre Camou vous a particulièrement touché. Que retenez-vous de l’homme ?
Je retiens tout d’abord une rencontre qui a été beaucoup trop courte à mon goût, puisque je n’ai pu le côtoyer qu’un an. C’était quelqu’un de très humain, assurément professionnel et droit dans son état d’esprit. Un homme de parole, qui donnait confiance à tous ceux qui étaient autour de lui. Le genre de personne que l’on a envie de côtoyer tous les jours, tout simplement.
Et en tant que dirigeant, vous a-t-il apporté quelque chose de plus par rapport à un autre président ?
Non, pas forcément quelque chose de plus. Il m’a tout simplement permis de travailler de la manière que chaque entraîneur attend d’un président, avec une très grande complicité entre nous. Il avait confiance en moi et j’essayais de lui rendre. Que ce soit à lui ou à ceux qui travaillaient autour de lui, car il n’était pas seul, c’était une équipe. Je me suis retrouvé avec mon staff dans des conditions idylliques pour exercer. Comme celles que j’ai eues au Stade Toulousain pendant plus de vingt ans.
« La sévérité des arbitres est importante »
Il restera l’entraîneur emblématique du Stade Toulousain, son club de toujours (© Manuel Blondeau / Icon Sport)
Avec de récents accidents, parfois tragiques, la violence du rugby est au cœur de toutes les discussions. Considérez-vous qu’il soit nécessaire de modifier certaines règles pour rendre le rugby moins violent ?
Sur les règles, il y a sûrement quelque chose à faire, mais c’est difficile de demander à des joueurs, dans ce genre de combats collectifs et préparés physiquement comme ils le sont, de moins s’engager. Maintenant, la volonté de demander aux joueurs de plaquer plus bas et la sévérité avec laquelle les arbitres interviennent me paraissent importantes. Pour moi, cette sévérité est dans le bon chemin. Tout le monde se doit d’être très vigilant, ne pas tolérer des gestes qui débouchent sur ces commotions. Le fait de demander aux arbitres d’accentuer cette vigilance est quelque part un changement radical qui, à mon sens, est primordial.
Donc il est clair que, pour vous, LA solution se trouve dans la vigilance de tous…
Disons que, quand vous rentrez sur un terrain de rugby, vous allez demander à tous vos joueurs de dominer l’adversaire avec un engagement total. Maintenant, il y a des règles à respecter, comme ne pas s’engager sur un adversaire au niveau des épaules. Il y a toujours des cas spéciaux où les joueurs se baissent. Pour tenter d’être plus bas qu’un gars qui se baisse, il faut ramper… donc c’est parfois très compliqué à gérer. En toute honnêteté, j’ai toujours fait confiance au corps arbitral et j’estime que la position qu’il a aujourd’hui va dans le bon sens.
« Le rugby, un sport intellectuel »
Même s’il n’a pas remporté de titre majeur avec le XV de France, Guy Novès reste l’un des premiers supporters des Bleus (© Actionplus / Icon Sport)
Une baisse significative de jeunes licenciés a été constatée dans le rugby français. Comment expliquez-vous cela ?
Tout d’abord, le rugby en France est en concurrence avec une multitude de sports de haute importance. Prenez l’exemple de la Nouvelle-Zélande où, à part le rugby, il n’y a pas beaucoup de sports qui attirent les jeunes. Forcément, la domination va être bien plus importante. Ici, quand on voit tous ces sports majeurs comme le foot, le hand, le volley, mais aussi toutes les activités culturelles et artistiques, c’est plus difficile d’aller dire à nos enfants de s’intéresser au rugby. D’autant plus que, nous venons d’en parler, il débouche sur des incidents qui parfois font peur aux parents. Je ne pense pas que la baisse de licenciés soit liée au spectacle du TOP 14, puisqu’il a tout de même une bonne réputation. Mais il est vrai que cette sorte de « propagande » n’arrange rien. Quand un jeune homme connaît malheureusement ce genre d’accidents tragiques, les médias interviennent et créent pas mal de polémiques.
Alors, comment faire en sorte d’intéresser de nouveau les jeunes joueurs… et leurs parents ?
Il faut que le rugby redevienne, comme il y a quelques années, une activité intelligente où le contournement et l’évitement étaient une priorité. Le professionnalisme de la discipline a fait que l’on a commencé à s’orienter vers des physiques bien plus imposants. On se tournait alors vers de l’affrontement pur, où le « costaud » fait la différence. Et il est vrai qu’au plus jeune âge, celui qui est en avance physiquement devient inarrêtable. Donc on ne développe pas la qualité intellectuelle du joueur. Celui qui cherche à trouver la solution intelligente pour pouvoir battre l’adversaire par des passes, des prises d’intervalles. Il est également nécessaire de garder un aspect ludique. Que les enfants prennent plaisir à jouer au rugby ! C’est ce qu’ils recherchent, s’amuser. Et malheureusement ce n’est plus toujours le cas.
« Je suis toujours supporter de l’Équipe de France »
La Coupe du monde de rugby aura lieu dans un an. Comment allez-vous la vivre, à titre personnel ?
Vous savez, je n’attends pas vraiment la Coupe du monde. J’ai bien compris que je n’y serai pas. Mais, il y a quelques années, je ne pensais pas y être non plus. Après quarante ans de carrière, se retrouver sans rien d’un jour à l’autre, c’est compliqué. Alors, oui, je vais la regarder, pour le plaisir de revoir des joueurs que j’ai pu côtoyer, comme Wesley Fofana, qui reviennent à leur meilleur niveau. Les revoir sur les terrains et être aussi brillants me font penser que l’Équipe de France aura vraiment du choix très prochainement.
En parlant de ce XV de France… quel regard portez-vous sur lui ?
La tournée d’automne au mois de novembre s’annonce une nouvelle fois difficile. Mais, si le retour de certains joueurs à leur niveau de forme peut apporter un maximum à cette équipe, alors c’est tant mieux, je leur souhaite. Je n’ai pas de combat personnel avec l’Équipe de France, si ce n’est celui que je mène avec la Fédération. Mais j’ai travaillé pendant deux ans à la tête de cette équipe, et ce n’est pas parce que certaines personnes ont décidé de m’écarter que je ne vais plus la supporter. Je suis toujours supporter de l’Équipe de France !