2019 est là, devant eux. Mais, pour les Bleus, c'est l'année de toutes les peurs. Une année lors de laquelle le XV de France pourrait plonger dans des méandres qu'il n'a jamais connus. Finaliste de la Coupe du monde il y a encore huit ans, la France est aujourd'hui une neuvième nation mondiale en sursis, désormais proche d'être rattrapée et dépassée par des nations comme l'Argentine et le Japon. 2018 a symbolisé l'inquiétante baisse de régime du XV de France. Seulement deux succès lors du Tournoi des VI Nations, terminé au quatrième rang, puis une seule victoire lors de la dernière tournée d'automne. Trois succès et huit défaites, voilà le bilan de la première année de Jacques Brunel aux commandes des Bleus. Jamais un sélectionneur n'avait connu pire bilan statistique au cours de sa première année de mandat. La dernière tournée d'automne a d'ailleurs été le symbole parfait du lent déclin connu par le XV de France. Un an après le match nul concédé face au Japon, les Bleus ont chuté à domicile contre les Fidji. Mais, alors que le résultat face aux Japonais avait coûté son poste à Guy Novès, il n'en a pas été de même pour Jacques Brunel suite à la défaite contre les Fidjiens. L'expérimenté coach garde la confiance de Bernard Laporte, président de la Fédération Française de Rugby. Une décision qui sous-entend que le sélectionneur n'est pas le premier responsable de la situation actuelle. Un avis que partage Vincent Clerc, 67 sélections avec le XV de France et retraité depuis l'été dernier. « Je pense que Jacques Brunel n'est pas le premier responsable, comme ne l'était pas non plus Guy Novès. Le problème est plus profond que l'identité du sélectionneur. »
Une équipe qui manque de leaders
« Je pense qu'il y a moins de profondeur de banc qu'avant et donc moins de concurrence au sein du XV de France », poursuit Vincent Clerc. « Certains ont peut-être également eu du mal à se remettre en question, ça a sans doute joué sur la dynamique du groupe. Je pense qu'il manque aussi des leaders dans cette équipe de France. Du coup, le manque de confiance est criant. » Un manque de confiance qui a paralysé les Bleus lors de la dernière tournée d'automne, en particulier lors de cette fameuse défaite face aux Fidji. « Perdre un match comme celui-là peut arriver. Lorsque j'étais international, je me souviens d'une défaite face aux Tonga en Coupe du monde. Pour le XV de France, perdre un tel match était très difficile à vivre. Heureusement, on avait vite su rebondir derrière et reprendre rapidement de la confiance. Là, ce n'est pas le cas. Il n'y a aucun match entre cette défaite contre les Fidji et le premier match du Tournoi des VI Nations. Durant cette période, même si les joueurs pensent avant tout à leur club, ça gamberge forcément un peu dans les têtes à l'approche du Tournoi. » Une édition 2019 du Tournoi des VI Nations dont le calendrier ne profite pas vraiment aux Bleus, avec trois déplacements pour seulement deux réceptions. Pour le XV de France, qui n'a terminé qu'une fois sur le podium lors des sept dernières éditions, la donne semble donc extrêmement compliquée.
L’optimisme n’est pas de mise…
Ce n'est pas non plus la perspective de la Coupe du monde, qui se déroulera dès septembre prochain au Japon, qui incite à l'optimisme. Placés dans le groupe C, les Bleus défieront l'Angleterre, l'Argentine, les États-Unis et les Tonga. Seuls les deux premiers de chaque groupe seront qualifiés pour les quarts de finale. Autrement dit, le danger de voir le XV de France éliminé pour la première fois de son histoire dès la phase de groupes d'une Coupe du monde est bien réel. « À l'heure actuelle, ce serait vraiment se voiler la face que d'être optimiste pour le XV de France cette année », assure Vincent Clerc. « Après, je pense qu'il ne faut pas être totalement négatif non plus. Certes, le Tournoi des VI Nations s'annonce particulièrement difficile, mais il y aura une vraie préparation en vue de la Coupe du monde. C'est un moment qui peut permettre de créer une vraie cohésion de groupe, de trouver des leaders et une véritable équipe type. » Jusque-là, sous l'ère Jacques Brunel, aucune équipe type ne s'est en effet véritablement dégagée. Si certains comme Mathieu Bastareaud ou Guilhem Guirado font preuve d'une belle régularité dans leurs performances, d'autres sont plusieurs fois passés au travers lors de rendez-vous importants. Sans oublier certaines blessures, notamment celle de Morgan Parra, qui ont obligé Jacques Brunel à improviser. « Si tout le monde est présent et que l'encadrement a le temps de travailler, cette équipe de France peut faire de belles choses. Peut-être pas gagner la Coupe du monde, mais le potentiel est là pour rivaliser avec plusieurs grandes nations. Mais, même si cette Coupe du monde est réussie, ce sera la vérité d'une compétition. »
« La génération qui va arriver est exceptionnelle »
Dès lors, quelles solutions pour tenter de redresser la barre sur le long terme ? « Tout changer et retrouver des couleurs en l'espace de quelques mois paraît compliqué », analyse Vincent Clerc. « Mais je pense qu'il y a déjà des changements à faire dans le jeu pratiqué. Peut-être en s'inspirant de jeux portés vers l'avant, basés sur l'évitement et la vitesse plutôt que sur le contact et la confrontation directe. » L'ancien international tricolore cite évidemment le jeu pratiqué par le Stade Toulousain, un club qui retrouve des couleurs cette saison en TOP 14 avec un jeu attrayant. « J'ai l'impression de retrouver le Toulouse que je connaissais lorsque j'y jouais, avec beaucoup de fraîcheur, de jeunesse et une concurrence saine. Au niveau du jeu, je retrouve également ce que j'ai vécu lorsque j'étais entraîné par Guy Novès, avec une équipe joueuse et un jeu qui ne changeait pas, quelle que soit l'équipe alignée. La philosophie était la même et c'est ce que l'on retrouve chez les Toulousains cette saison. » Un Stade Toulousain qui n'hésite pas à accorder plus de place à la nouvelle génération française, dans laquelle Vincent Clerc croit énormément. « Si le XV de France éprouve des difficultés aujourd'hui, c'est aussi une histoire de génération. Celle qui va arriver est exceptionnelle, elle a d'ores et déjà remporté la Coupe du monde des moins de 20 ans. Plusieurs foulent déjà régulièrement les pelouses de TOP 14 chaque week-end et sont pleins de qualités. Pour 2019 ils sont peut-être un peu jeunes, mais je suis persuadé que cette nouvelle génération a tout ce qu'il faut pour redonner le sourire au rugby français. » Un sourire que les Bleus espèrent notamment retrouver d'ici 2023 et la Coupe du monde organisée en France.
Vincent Clerc, « chasseur d'essais »
Le calendrier du XV de France :
- 1er février : France - Pays de Galles
- 10 février : Angleterre - France
- 23 février : France - Écosse
- 10 mars : Irlande - France
- 16 mars : Italie - France