Comme lorsqu'il était rugbyman professionnel, Aliki Fakaté part régulièrement en déplacement pour se produire devant un public de passionnés. Entre les nombreuses heures de préparation et les pics d'adrénaline, la vie du colosse de 2,01 m pour 140 kilos est toujours aussi trépidante que sur les stades. Mais, depuis trois ans, ce n'est plus ballon à la main que l'ancien deuxième ligne de Lyon, Montpellier et Bordeaux-Bègles démontre l'étendue de ses talents. Après huit années à arpenter les terrains de TOP 14 et de Pro D2, l'homme de 32 ans manie à présent la guitare, le piano et le micro. Depuis trois ans, il se consacre en effet à la musique, une passion qui remonte à son enfance.
Une enfance bercée par la musique et les lancers
Né à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, Aliki se souvient avec émotion des chants et mélodies qui ont bercé ses jeunes années. « La musique, c'était une passion depuis Nouméa, confie-t-il. J'ai grandi dedans. À l'église, je jouais pendant la messe. À l'époque, j'ai dû choisir entre le sport et la musique. J'ai choisi le sport, parce qu'on voyageait beaucoup ! » Fils d'une championne de lancer du disque, le garçon traîne tellement sur les stades qu'il finit par s'initier à la discipline. « Je voulais passer du temps avec ma mère, et je suis tombé dedans, explique-t-il. À l'époque, à Nouméa, l'athlétisme était un sport phare. Ça faisait rêver tous les jeunes. Maintenant, c'est tombé un peu dans l'oubli. Le rugby a pris le pas ».
La difficile adaptation à la Métropole
Naturellement doué, l'apprenti athlète brille non seulement au disque, mais aussi au marteau et au poids. Entre 2001 et 2004, il remporte plusieurs médailles dans les trois spécialités aux championnats de France cadets et juniors. « C'est une force de la nature, on était des gringalets par rapport à lui ! se rappelle Nicolas Stirmlinger, un ancien adversaire. En même temps, il était super calme et beau à voir techniquement. On avait l'impression qu'il lançait déjà depuis de nombreuses années ». En 2005, auréolé d'un record à 54,87 m au disque, Aliki quitte la Nouvelle-Calédonie pour s'installer en Métropole. Il intègre l'INSEP, temple du sport français. Mais cette nouvelle vie loin des siens se révèle plus compliquée que prévu. Ses performances stagnent. « Pendant mon année à l'INSEP, j'ai déprimé, confie l'intéressé. Je voulais rentrer, tout arrêter ». « Aliki avait une très grosse marge de progression, regrette Michel Tranchant, son entraîneur de l'époque. Avec son envergure de 2,10 m ou 2,12 m, il aurait pu dépasser les 60 mètres très facilement ».
Le virage du rugby
En juin 2006, l'athlète assiste « par hasard » à un match de rugby de son oncle Abraham Tolofua à Béziers (Pro D2), quand il tape dans l'œil du coach biterrois. S'ensuit une invitation pour effectuer un test, puis une autre du Stade Français et de Lyon (Pro D2), où évolue un autre oncle (Laurent Pakihivatau). « Je n'arrivais pas à comprendre que des entraîneurs veuillent de moi, alors que je ne savais pas jouer au rugby, s'étonne encore l'intéressé, qui décide pourtant de tenter l'aventure de l'ovalie à Lyon. J'étais plus proche de mon oncle de Lyon. Pour moi, c'était l'occasion de me rapprocher de ma famille ».
Finaliste du TOP 14 en 2011
Après un apprentissage express et un important travail d'endurance, Aliki effectue ses premiers plaquages en Pro D2 au bout de seulement deux mois. Titularisé dès la saison suivante, il devient incontournable dans l'équipe lyonnaise. Au point de se faire remarquer par les meilleurs clubs français. En 2010, le deuxième ligne signe à Montpellier (MHR). Dès sa première saison en élite, il accède à la finale du TOP 14, perdue 10-15 face au Stade Toulousain. Pressenti pour intégrer le XV de France, le rugbyman, alors âgé de 25 ans, voit cependant ses espoirs en Bleu s'éloigner suite à une grave blessure aux cervicales. Moins utilisé pendant les deux années suivantes, il est recruté par Bordeaux-Bègles en 2013. Il y signe une dernière saison complète (24 matchs), avant d'être contraint par les médecins d'arrêter le rugby.
La musique, un retour aux sources
« C'était plus par précaution, pour me protéger, explique-t-il. Je pouvais continuer en Angleterre ou en Italie, mais j'ai fait le choix de faire autre chose ». Aliki décide alors de passer du temps avec sa famille, que le père de trois enfants voyait peu à cause des entraînements et des matchs. Il opte pour la musique, afin d'épauler sa femme Patience, chanteuse du groupe Patience & the Pacific Islanders. « À Bordeaux, j'avais déjà fait des petits concerts avec ma femme. Ça m'avait beaucoup plu. L'année où j'ai arrêté le rugby, ça a bien explosé. Ce n'était pas facile au début. Maintenant, on a des concerts tous les week-ends [...] et on part même en tournée avec les enfants ! » Guitariste, pianiste et chanteur, Aliki est également manager du groupe, qui prépare la sortie d'un album à l'automne. Entre deux dates, l'ancien sportif professionnel rejoue même un peu au rugby avec les amateurs de Gujan-Mestras. « Au début, c'était juste pour donner un coup de main à l'entraînement. Puis l'envie de jouer est revenue ». La saison dernière, il a disputé neuf matchs sur 27 avec sa nouvelle équipe. « Pour dépanner... »